Le 4 octobre 2025, à Lubumbashi, la soutenance de la thèse du Colonel (Dr) Mangole Mbokani Joseph a fait trembler les catégories intellectuelles et managériales du secteur minier. Sa recherche, qui propose d’intégrer savoirs religieux et endogènes dans la gouvernance industrielle via les normes TRISIP et la méthode PIRR, ouvre une voie inédite pour une souveraineté cognitive africaine sur les ressources naturelles. Un appel à repenser non seulement les techniques d’exploitation, mais aussi les cadres éthiques et épistémologiques qui les légitiment.
Une épistémologie qui recompose le sens industriel
Lors de sa soutenance à Calvary University (extension de Lubumbashi), tenue au centre ARRUPE, le Colonel (Dr) Mangole Mbokani Joseph a présenté une thèse qui interroge le cœur même de la connaissance industrielle. Intitulée « Science managériale et acquisition des connaissances religieuses et non conventionnelles : Fondements de la gnoséologie scientifique, normes TRISIP (…) et méthode PIRR (…) », la recherche réintroduit la dimension sacrée et symbolique dans la gouvernance des ressources.
« Notre thèse réintroduit la dimension sacrée et symbolique dans la gouvernance des ressources », a-t-il expliqué. Selon lui, intégrer les savoirs religieux et endogènes à la rationalité managériale confère sens, cohésion et finalité aux pratiques industrielles. Ce déplacement épistémologique ouvre la voie à ce qu’il qualifie de management initiatique des ressources, fondé sur le respect, la responsabilisation cosmique et une durabilité spirituelle effective.
TRISIP et PIRR : normes et méthode pour une gouvernance augmentée
Le travail articule deux contributions complémentaires : la norme TRISIP, acronyme de Transmissibilisme, Reproductilisme, Intangibilisme, Superpositisme, Intricationnisme, Pluriversalisme et la méthode PIRR (Perception–Intuition/ Inspiration–Révélation–Raisonnement/Rationalisation).
La norme TRISIP offre, selon l’auteur, un cadre de validation éthique et cognitive des savoirs mobilisés dans la prise de décision industrielle. La méthode PIRR, elle, invite les dirigeants à capter les signaux symboliques du terrain, conflits communautaires, crises environnementales, phénomènes socioculturels, et à les interpréter avant qu’ils ne dégénèrent en crises ouvertes.
Concrètement, PIRR permettrait une lecture préventive et holistique des tensions et opportunités : perception fine des signes, ouverture à l’intuition collective, prise en compte des révélations symboliques et rationalisation rigoureuse pour orienter l’action publique et privée.
Vers un modèle éthique et socio-économique « spirituellement durable »
Le Colonel Mbokani propose un modèle minier fondé sur un contrat éthique tripartite entre la nature, la communauté et l’entreprise. Dans ce schéma, le « capital sacré » devient un déterminant du développement, au même titre que le capital financier. Les entreprises minières, en s’appuyant sur une « éthique PIRR », pourraient restructurer leurs chartes de responsabilité sociale autour de valeurs communautaires partagées et de pratiques respectueuses des patrimoines symboliques.
L’auteur avance également que l’analyse PIRR des rêves collectifs et des signes territoriaux constitue un outil puissant pour prévenir et résoudre les conflits socio-miniers : anticiper les tensions, restaurer le dialogue et renforcer la paix sociale autour des sites d’extraction.
Formation et innovation : une ingénierie managériale intégrée
La thèse met en avant des retombées directes pour la formation et l’innovation industrielle. Elle plaide pour la création de programmes universitaires et professionnels destinés aux cadres du secteur minier, formés à la gnoséologie scientifique et à la lecture symbolique des territoires. En intégrant révélations spirituelles, intuitions collectives et savoirs ancestraux, les entreprises peuvent développer des technologies et des pratiques organisationnelles contextualisées, écologiquement conscientes et culturellement enracinées.
Souveraineté cognitive : rééquilibrer la production de savoirs
Sur le plan stratégique, le Dr Mangole Mbokani soutient que sa démarche confère à l’Afrique un cadre de souveraineté épistémique sur la connaissance liée à ses ressources naturelles. En valorisant des épistémologies locales et non conventionnelles, la recherche vise à rééquilibrer la relation Nord–Sud dans la production de savoirs industriels et à fonder une économie initiatique, productive, communautaire et symboliquement reconnue, susceptible d’alimenter une Charte africaine du management initiatique des ressources, à élaborer par des instances comme le CESEMI.
Pistes opérationnelles
Parmi les propositions concrètes figurent :
• La création d’un Observatoire PIRR–TRISIP des industries extractives pour évaluer la durabilité éthique des projets miniers ;
• La formation des dirigeants miniers à la lecture symbolique des territoires ;
• L’intégration de la gnoséologie scientifique dans les politiques de RSE et de gouvernance minière ;
• Une coopération structurée CESEMI–ministères–entreprises–universités pour bâtir une doctrine africaine de gestion « sacrée » des ressources.
Portrait du chercheur
Colonel (Dr) Mangole Mbokani Joseph est directeur financier à la 22e Région militaire, sous le commandement du Général de Brigade Eddy Kapend Yrung. Militaire de terrain depuis 1999, formé dans les meilleures écoles militaires de la RDC (École de commandement et d’État Major) et actif dans le renseignement, il a rassemblé durant sa carrière des données de première main qui nourrissent cette étude originale.
Sa devise, « Intelligere spiritum, Regere Mundum in Veritate » (Comprendre l’Esprit, gouverner le Monde dans la vérité), se décline en plusieurs langues locales et reflète la porosité entre engagement militaire, savoirs traditionnels et projet national.
L’engagement militaire, vecteur de souveraineté nationale
Au moment où la gouvernance minière conditionne la souveraineté économique de la RDC et de l’Afrique, la contribution du Colonel (Dr) Mangole Mbokani Joseph est à la fois un avertissement et une invitation. Avertissement : l’épuisement des modèles exclusivement technocratiques expose les sociétés locales à la perte de sens et de contrôle sur leurs ressources. Invitation : l’engagement discipliné et patriotique de certains militaires, qui dépassent leur rôle strictement sécuritaire pour promouvoir une gestion plus transparente, équitable et responsable, peut constituer un levier puissant de reconquête de la souveraineté cognitive. Leur partenariat avec les acteurs civils et institutionnels envoie un signal fort : la protection des ressources n’est pas seulement une affaire d’arsenal et de contrats, mais aussi de savoirs, de sens et d’éthique partagée.
Trésor Kasamba