Entre annonces ministérielles et décisions abruptes, la réforme de l’artisanat minier peine à concilier régulation et protection sociale. Où en est réellement la mise en œuvre des mesures promises aux communautés ?
Lors de la formation du gouvernement Suminwa II, Louis Watum Kabamba a succédé à Kizito Pakabomba Kapinga Mulume à la tête du ministère des Mines. Le mandat de son prédécesseur avait été marqué par l’amorce de réformes structurelles visant un secteur minier plus durable, organisé et inclusif.
Le 27 mars 2025, sous la présidence du ministre honoraire Kizito Pakabomba, plusieurs axes stratégiques ont été réaffirmés : assainissement du secteur minier en général et de l’artisanat en particulier ; rappel de l’obligation pour les coopératives et les entités de traitement de respecter le Code minier et ses textes d’application. À son arrivée, Louis Watum Kabamba a repris ces orientations, affichant une volonté de continuité plutôt que de rupture dans la feuille de route gouvernementale.
Pourtant, alors que certaines décisions commencent à produire des effets concrets, des voix se lèvent au sein des communautés et parmi les acteurs du secteur, dénonçant une application parfois brutale ou insuffisamment concertée des mesures annoncées. Dans une logique institutionnelle, la continuité des réformes constitue un principe de bonne gouvernance : elle permet d’accroître l’efficacité, d’éviter des coûts inutiles et d’assurer une évolution cohérente et durable du secteur. Mais la mise en œuvre reste délicate.
L’impulsion présidentielle et la question de l’artisanat minier
Au 47e Conseil des ministres, tenu à Kolwezi en juin 2025, le Président Félix Antoine Tshisekedi a exprimé sa vive préoccupation sur les conditions de travail des creuseurs artisanaux. Selon Mines.cd, le Chef de l’État pointait surtout les tensions entre exploitation artisanale et entreprises minières industrielles et insistait sur la nécessité de rendre opérationnelles les Zones d’Exploitation Artisanale (ZEA) prévues par le Code minier.
Il a ainsi instruit la mise en place d’un plan d’action coordonné associant ministères sectoriels et entreprises publiques, avec, entre autres mesures :
• l’identification rapide de zones légales d’exploitation artisanale ;
• des négociations avec les entreprises minières, notamment la Gécamines, pour libérer certaines zones en faveur de l’artisanat ;
• l’application stricte des normes encadrant les entités de traitement ;
• le renforcement des capacités de l’ARECOMS ;
• la mise en place d’un partenariat stratégique entre l’EGC et la Gécamines ;
• un appui sécuritaire coordonné par la gouverneure du Lualaba, en lien avec le ministère de l’Intérieur et les FARDC.
Le Chef de l’État a souligné l’importance de délimiter des périmètres réservés à l’exploitation artisanale et d’instaurer un cadre organisationnel garantissant des conditions de travail dignes. Mais la question demeure : où en sommes nous aujourd’hui ?
Entre promesses de réforme et réalités sociales
À son arrivée au ministère, Louis Watum Kabamba a multiplié les annonces qualifiées de courageuses, notamment la participation des communautés locales au capital des projets miniers. « Mes priorités sont de renforcer la bonne gouvernance, améliorer la traçabilité, lutter contre la fraude minière, encadrer l’artisanat minier… », annonçait il, suscitant l’espoir chez de nombreux jeunes. Il a également évoqué la création de plus de 64 nouvelles ZEA, une promesse dont beaucoup se demandent encore où sont les réalisations concrètes.
Une suspension aux lourdes conséquences sociales
Le 19 décembre 2025, un arrêté ministériel a suspendu, à titre conservatoire, les activités de toutes les entités de traitement des minerais issus de l’exploitation artisanale de la filière cupro cobaltifère sur l’ensemble du territoire national. Cette décision affecte directement plus d’un million de jeunes Congolais vivant, de façon directe ou indirecte, de l’artisanat minier. L’objectif affiché est de mettre fin à l’envahissement des concessions industrielles et de rétablir l’ordre dans la chaîne de valeur.
Si cette suspension se justifie par la nécessité de réguler le secteur et de lutter contre l’exploitation illégale et la contrebande, la question du « bon moment » pour son application reste posée. Des milliers de familles voient leur survie quotidienne compromise, et les appels en faveur d’un accompagnement social et économique se multiplient.
Ainsi donc, la réforme de l’artisanat minier nécessite à la fois fermeté réglementaire et dialogue social. Régulation, délimitation de ZEA et contrôle des entités de traitement doivent impérativement s’accompagner de mesures d’accompagnement concrètes pour les creuseurs : sans cela, l’ambition d’un secteur minier plus inclusif risque de rester une promesse inachevée.
Trésor Kasamba









