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Économie – Les incitations fiscales de la RDC apparaissent supérieures à celles de ses pairs

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Le rapport de la Banque mondiale présenté le 17 septembre à Lubumbashi alerte, la République démocratique du Congo affiche des incitations fiscales plus élevées que ses voisins, concentrées principalement dans les secteurs extractifs. Si ces mesures soutiennent l’investissement, elles pèsent sur les recettes publiques, creusent les inégalités et compliquent la mise en œuvre de réformes fiscales nécessaires à une croissance inclusive.

Ce rapport sur la situation économique de la RDC, élaboré par la Banque mondiale, a été présenté aux responsables d’entreprises membres de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), en présence du directeur des opérations de la Banque mondiale en RDC et du président de la FEC/Haut Katanga.

Le document constate que le niveau global des incitations fiscales en RDC paraît supérieur à celui des pays comparables. Certaines incitations relatives à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) demeurent limitées et le système fiscal comporte des avantages implicites difficilement quantifiables.

Concentration sectorielle des incitations

Plus de 75 % des incitations fiscales sont concentrées en faveur des secteurs industriel, minier et pétrolier, tandis que les mesures à caractère social sont mal quantifiées. Les avantages liés à la TVA prennent la forme de taux réduits (notamment à 8 %) ou d’exonérations totales. Sur le plan social, ces mesures ne correspondent pas toujours à l’objectif d’équité : elles profiteraient davantage aux ménages à hauts revenus qu’aux ménages les plus modestes.

Incitations fiscales élevées et procycliques

Le rapport relève que le manque à gagner de recettes fiscales est passé d’environ 2 % du PIB en 2017 à près de 5 % en 2023. Le volume des incitations fiscales semble suivre le cycle économique : en 2023, les allègements liés à la TVA et aux droits d’accise représentaient plus des deux tiers du total des incitations, ce qui modifie la composition et la qualification de celles ci.

Taux d’impôt sur les sociétés et exonérations

La RDC affiche un taux normal d’impôt sur les sociétés (IS) de 30 %, légèrement supérieur à la moyenne régionale (environ 28 %). Ce taux est perçu comme contraignant : 40 % des entreprises en RDC citent l’IS comme un obstacle, contre 23 % en moyenne dans la région. En conséquence, le code des investissements prévoit fréquemment des exonérations d’IS sur 3 à 5 ans.

Développement financier limité et dépendance au dollar

Le rapport souligne que le développement du secteur financier reste très limité : le secteur bancaire est de taille modeste et fortement concentré. Le crédit au secteur privé représente seulement 12 % du PIB et est fortement orienté vers l’industrie minière, qui capte près de la moitié des prêts. L’inclusion financière est faible (6 % contre une moyenne régionale de 25 %) et 90 % des dépôts et crédits bancaires sont libellés en dollars, ce qui expose l’économie à des vulnérabilités extérieures.

Recettes et comparaison régionale

Globalement, les recettes publiques de la RDC restent inférieures à la moyenne de l’Afrique subsaharienne, en partie en raison du coût budgétaire élevé des incitations fiscales.

Principales recommandations du rapport

La Banque mondiale formule plusieurs recommandations destinées à renforcer la mobilisation des ressources domestiques et à améliorer l’efficacité des incitations fiscales :

1. Renforcer la capacité de mobilisation des ressources domestiques, en simplifiant et en rationalisant l’administration fiscale fragmentée.

2. Prendre conscience que les incitations fiscales absorbent l’équivalent d’un tiers des recettes fiscales totales — soit environ trois fois le budget annuel consacré au secteur de la santé.

3. Réduire la fragmentation institutionnelle dans la gestion des incitations fiscales.

4. Identifier et corriger les incitations implicites du système fiscal qui favorisent inutilement la transformation d’entreprises individuelles en sociétés.

5. Regrouper les aspects fiscaux des codes sectoriels et des dispositifs d’investissement dans un Code général des impôts.

6. Harmoniser les taux d’imposition sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et sur les sociétés (IS) afin d’éliminer les distorsions défavorables à la création et à la formalisation d’entreprises.

7. Remplacer les incitations fondées sur le profit par des mesures calibrées sur le coût réel des investissements.

8. À terme, réduire la liste des produits exonérés et la remplacer progressivement par des transferts monétaires ciblés, au fur et à mesure que les capacités administratives se renforcent.

9. Renforcer le rôle du ministère des Finances dans l’octroi et le suivi des incitations fiscales.

10. Améliorer la collecte et l’analyse de données pour suivre et évaluer précisément l’impact budgétaire et économique des incitations.

Le diagnostic de la Banque mondiale met en lumière un dilemme connu : l’utilisation d’incitations fiscales pour attirer les investissements peut stimuler la croissance à court terme mais fragiliser la soutenabilité budgétaire et l’équité sociale. Pour que la richesse extractive bénéficie réellement au développement national, la RDC devra conjuguer discipline fiscale, renforcement institutionnel et ciblage social des mesures d’aide. La mise en œuvre des recommandations exige aujourd’hui des décisions politiques courageuses et une administration locale capable de les appliquer avec transparence et efficacité.

Trésor Kasamba