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Culture-Rumba : Droits d’auteur et droits voisins : que perçoivent réellement les artistes congolais ?

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Au deuxième jour du colloque sur la rumba congolaise, la Société congolaise des droits d’auteur et droits voisins (SOCODA) s’est retrouvée au centre d’un débat âpre sur la transparence, la redistribution des revenus et la protection des artistes à l’ère du numérique. Entre témoignages d’artistes frustrés et réponses prudentes de la gestion collective, le fossé entre attentes et pratiques apparaît profond.

Ce mercredi 5 novembre 2025, un panel intitulé « Droits d’auteur, droits voisins et revenus numériques : enjeux pour les artistes congolais », a rassemblé musiciens, producteurs, journalistes et représentants institutionnels. L’objectif : faire le point sur l’efficacité de la SOCODA dans la protection et la rémunération des créateurs en République démocratique du Congo à l’ère du numérique.

Rôle de la SOCODA

La SOCODA, rappelée par les intervenants comme l’instance chargée de gérer et promouvoir les droits des créateurs, se présente comme un pont entre auteurs et utilisateurs d’œuvres. Sa mission officielle : garantir le respect des créations et assurer une répartition équitable des redevances. Sur le terrain, pourtant, la confiance des artistes vacille.

Perte de confiance des artistes

Plusieurs participants ont dressé un constat sévère : la gestion de la SOCODA paraîtrait trop théorique et insuffisamment adaptée aux réalités du terrain. Cette perception d’opacité a poussé de nombreux créateurs à renoncer à déclarer leurs œuvres ou à adhérer à la société de gestion, fragilisant l’ensemble du dispositif de protection collective. « Beaucoup ne voient plus l’intérêt de s’affilier », s’est alarmé un intervenant.

Droits voisins négligés

La question des droits voisins, qui concernent interprètes, producteurs et éditeurs, est apparue comme particulièrement sensible. Jean Jacques Kalonji, du magazine Mines & Industries, a dénoncé des pratiques opaques où des parts ne seraient ni identifiées ni versées aux ayants droit. Le résultat : des professionnels privés de revenus pourtant légalement garantis.

Piraterie et manque de transparence

La piraterie, la méconnaissance du cadre juridique et l’absence d’un système de rémunération transparent pèsent lourdement sur les revenus des créateurs. Musiciens, réalisateurs et auteurs se plaignent régulièrement du non paiement de leurs œuvres diffusées à la radio, à la télévision, dans les lieux publics et surtout sur les plates-formes numériques. « Vous faites exprès ou c’est normal ? », a lancé un participant, exprimant l’exaspération d’une partie de la filière.

La réponse de la SOCODA

Face à ces critiques, le responsable financier de la SOCODA a relativisé certaines plaintes : selon lui, de nombreuses réclamations concernent des artistes non affiliés, ce qui complique la redistribution. Il a insisté sur la nécessité d’une adhésion plus large pour garantir des versements réguliers : « Il est difficile de rémunérer quelqu’un qui n’est pas déclaré. » Le représentant de la SOCODA a toutefois reconnu que l’amélioration de la transparence et la sensibilisation des utilisateurs demeurent des chantiers prioritaires.

Résultats contestés

Sur les bénéfices concrets perçus par les affiliés, les avis divergent. Le représentant de la SOCODA cite des exemples ponctuels de rémunération, il évoque notamment M’Joe, mais les critiques persistent quant à la récurrence et à la lisibilité des paiements. Par ailleurs, une part importante des utilisateurs d’œuvres ignore encore ses obligations légales, ce qui réduit les ressources collectées.

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Appel à la réforme

À l’issue des échanges, plusieurs propositions ont émergé : audit externe de la SOCODA, digitalisation complète de la gestion des œuvres, transparence accrue dans la répartition des redevances, formation des artistes à leurs droits et implication effective des créateurs dans la gouvernance de la société. Les intervenants ont souligné qu’une SOCODA rénovée doit à la fois collecter mieux, répartir plus clairement et informer systématiquement ses membres.

Tant que la gestion des droits restera perçue comme opaque et que l’adhésion des artistes ne progressera pas, la promesse d’un revenu digne pour les créateurs congolais demeurera largement théorique. La numérisation et l’ouverture des marchés offrent des opportunités inédites ; encore faut il bâtir des institutions capables d’en faire bénéficier les artistes. La SOCODA, les pouvoirs publics et les partenaires internationaux sont désormais attendus sur la mise en œuvre d’un plan de réforme crédible, pour que la culture cesse d’être une ressource exploitée sans que ses auteurs n’en tirent profit.

Trésor Kasamba

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