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Rumba congolaise à l’ère du numérique : mémoire, enjeux et perspectives

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Du 4 au 5 novembre 2025, chercheurs, artistes et acteurs culturels se penchent sur l’avenir de la rumba congolaise face aux défis et aux opportunités du numérique. Entre restitution historique, questions de transmission et pistes d’innovation, le colloque pose la question centrale : comment préserver un patrimoine immatériel tout en le rendant vivant et accessible aux nouvelles générations.

Le colloque « Ma Rumba congolaise et les défis du numérique » s’est ouvert mardi 4 novembre 2025 au Bureau Wallonie Bruxelles de Lubumbashi. Dans son mot inaugural, le professeur émérite Huit Mulongo a invité l’assistance à réfléchir aux retombées de l’inscription de la rumba sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité et à s’interroger sur sa place auprès des jeunes.

« Que représente aujourd’hui la rumba congolaise, désormais patrimoine immatériel de l’humanité ? », a demandé le professeur Mulongo. Pour lui, cette reconnaissance, obtenue après une longue mobilisation collective, a permis de sortir la rumba d’un risque d’oubli culturel. Mais elle impose désormais une réflexion sur les moyens de sa valorisation et de sa transmission.

Le Professeur a salué les travaux du professeur Antoine Mwama, récemment engagé dans les études littéraires appliquées à la musique congolaise et a appelé les jeunes artistes à s’approprier pleinement leur héritage musical plutôt qu’à se contenter d’importer des styles étrangers. « La rumba congolaise est un versant essentiel de notre identité culturelle », a t il insisté.

Racines et évolution

Dans un rappel historique accessible et vivant, le professeur Huit Mulongo a retracé les origines pluriculturelles de la rumba congolaise : un métissage d’influences africaines et afro cubaines, notamment la rumba cubaine, les rythmes ouest africains et les formes dansées telles que le cha cha cha et la charanga, qui, au fil du XXe siècle, a donné naissance à un répertoire et à des figures emblématiques. Parmi les pionniers cités figurent Wendo Kolosol, Jean Bosco Wenda, Kami Feruzi et Adu Elenga ; plus tard sont apparues des générations d’interprètes et d’orchestres qui ont façonné le son congolais, de Joseph Kabasele (Le Grand Kallé) à Tabu Ley Rochereau, en passant par Franco Luambo Makiadi, Zaïko Langa Langa et, ensuite, Papa Wemba de Wenge Musica.

Le professeur a rappelé que chaque génération a apporté ses innovations, styles, arrangements, esthétiques scéniques, et que la rumba a toujours su se renouveler tout en restant profondément ancrée dans son territoire d’origine.

Rumba et numérique : menaces et opportunités

Le cœur du colloque a porté sur la manière d’intégrer le numérique sans effacer l’identité musicale. Parmi les enjeux abordés : la protection du répertoire, la gestion des droits et des revenus numériques, la traçabilité des œuvres, et l’utilisation de technologies (streaming, réseaux sociaux, intelligence artificielle, réalité virtuelle) pour la diffusion et la médiation culturelle.

Pour les intervenants, le numérique représente à la fois un risque dilution identitaire, exploitation non régulée des œuvres et une opportunité : élargir les publics, faciliter l’accès aux archives, créer de nouvelles formes artistiques et offrir des sources de revenus complémentaires aux artistes. Les ateliers prévus visent notamment à outiller les artistes en matière de gestion des droits d’auteurs, de monétisation et de promotion sur les plates-formes numériques.

Vers une réflexion collective et des actions concrètes

Annie Kabeya, cheffe du Bureau Wallonie Bruxelles à Lubumbashi et organisatrice du colloque, a souligné le caractère collectif de l’exercice : « Ce colloque réunit chercheurs, artistes, gestionnaires et jeunes créateurs pour penser ensemble la sauvegarde et la vitalité de la rumba à l’heure du numérique. » Elle a rappelé que cette réflexion, lancée sept ans après l’inscription à l’UNESCO, vise à protéger les recherches sur la musique et à proposer des dispositifs concrets d’accompagnement.

Les discussions ont mis en lumière la nécessité d’un plan d’action articulant formation (compétences numériques et juridiques), politiques publiques (protection du patrimoine, accompagnement des industries créatives), et partenariats internationaux pour financer la numérisation et la mise en valeur des archives.

Le colloque de Lubumbashi pose les bases d’un dialogue indispensable, préserver la mémoire de la rumba congolaise tout en l’inscrivant dans les flux du XXIe siècle. Le défi est désormais de transformer ces échanges en mesures concrètes,formation, protection juridique, investissements dans les archives et plates-formes de diffusion, afin que la rumba continue d’irradier, authentique et renouvelée, auprès des jeunes publics d’ici et d’ailleurs.

Trésor Kasamba

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